La responsabilité financière de déficits des communes
la responsabilité financière de déficits des communes
- Session : 2010-2011
- Année : 2011
- N° : 235 (2010-2011) 1
Question écrite du 21/01/2011
- de BOLLAND Marc
- à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville
Dans le cas de communes qui rentrent dans des difficultés financières, par exemple, suite à une politique d’endettement trop importante et disproportionnée par rapport aux moyens financiers existants, le receveur peut-il voir sa responsabilité engagée?
En ce qui concerne les mandataires communaux, existe-t-il un mécanisme qui responsabilise individuellement les mandataires par rapport à cette problématique qui dépasse évidemment les considérations à court terme?
Réponse du 11/03/2011
- de FURLAN Paul
1° La mission de conseil et d’avis auprès des autorités locales
L’article L1124-41 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation prévoit que « le receveur peut être entendu par le collège communal sur toutes les questions qui ont une incidence financière ou budgétaire ». Cet article érige donc le receveur en conseiller financier qui peut exprimer son opinion sur les finances communales. Il s’agit pour le receveur d’une obligation de moyens : le receveur doit déployer ses meilleurs efforts pour conseiller les autorités communales en matière financière, sans que sa responsabilité puisse être engagée du seul fait qu’il n’a pas atteint un résultat donné.
Le receveur peut en outre, de sa propre initiative, donner son avis au collège. Bien qu’aucune disposition ne prévoit la nature de l’avis ou du conseil qu’il peut donner au collège, celui-ci peut porter tant sur la légalité (interne et externe) du mandat de paiement ou sur la recette, que sur l’opportunité de ceux-ci. En effet, le receveur peut voir sa responsabilité engagée lorsqu’il ressort du contrôle de l’autorité de tutelle que le mandat, bien que régulièrement émis, est contraire à l’intérêt général. Dans ce cas, l’autorité de tutelle annule la dépense et le receveur est reconnu responsable de cette annulation et des conséquences qui en découlent (article L1124-40 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation). Il est donc normal qu’il puisse intervenir au sujet de l’opportunité de la dépense.
De plus, pour garantir un avis éclairé, minimiser les erreurs d’appréciation et offrir au receveur une connaissance accrue des décisions du conseil et du collège, l’article 4 du règlement général de la comptabilité communale précise que « tous les procès-verbaux du collège sont immédiatement notifiés au receveur communal ». L’entièreté des procès-verbaux est donc notifié au receveur, de telle sorte qu’il soit au courant de la dynamique communale dans son ensemble et que sa tâche de conseiller financier soit facilitée.
Le receveur est amené à contrôler la régularité du mandat de paiement et doit donc donner son avis avant d’effectuer le paiement. Concrètement, les autorités communales peuvent aller à l’encontre de cet avis et obliger le receveur à payer. Mais le collège, dans ce cas-là, agit sous sa seule responsabilité (article 60 du Règlement général de la comptabilité communale). Dans ce cadre-là, il vaut mieux, pour elle, de suivre l’avis éclairé du receveur, qui possède vraisemblablement toutes les compétences nécessaires pour évaluer précisément la situation financière de la commune.
Il est également utile de rappeler que le receveur émet aussi un avis lors de l’élaboration du budget. Selon l’article 12 du règlement général de la comptabilité communale, le projet de budget est établi par le collège, après avoir recueilli l’avis d’une commission où siègent au moins un membre du collège désigné à cette fin, le secrétaire et le receveur. Cette commission doit donner son « avis sur la légalité et les implications financières prévisibles du projet de budget, en ce compris la projection sur plusieurs exercices de l’impact au service ordinaire des investissements significatifs. Le rapport écrit de cette commission doit faire apparaître clairement l’avis de chacun de ses membres, tel qu’émis au cours de la réunion, même si l’avis doit être présenté d’une manière unique ». Par légalité, il faut aussi entendre le respect strict de l’équilibre généralisé du budget prévu par l’article L1314-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.
Si comme dans le cas évoqué par l’honorable membre, une commune présente des difficultés financières, par exemple, suite à une politique d’endettement trop importante et disproportionnée par rapport aux moyens financiers existants, il en relève de la compétence du conseil communal, qui est seul compétent pour voter le budget (article L1122-23 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation). Le receveur communal ne peut voir sa responsabilité engagée pour une décision relevant de la compétence du conseil communal. Le receveur a une obligation morale d’attirer l’attention des autorités communales sur les risques de surendettement, mais il ne peut lui être reproché de ne pas avoir soulevé le problème.
2° Les autres missions légales du receveur
Le receveur doit veiller au bon déroulement des opérations financières qu’effectue la commune. Pour ce faire, les tâches qui incombent au receveur sont définies précisément par le règlement général de la comptabilité communale. Il s’agit d’obligations de résultat qui engagent la responsabilité du receveur sur la simple constatation que le résultat escompté n’a pas été atteint.
Ainsi, le receveur est notamment « responsable de l’encaisse, à l’exception de celle des comptes de tiers et des régies communales qui ne sont pas gérés dans le cadre de sa mission» (article 31 du règlement précité). Il est également responsable des placements à moins d’un an. Les placements à plus d’un an sont effectués par le receveur après application des règles de marchés publics (article 30, alinéas 2 et 3 du règlement précité).
Le receveur est en outre responsable « des pertes d’intérêts qui pourraient résulter des retards qui lui sont imputables dans le recouvrement des impositions et revenus de la commune, du maintien des fonds communaux en caisse ou en comptes improductifs au-delà des normes fixées par le collège et du maintien d’un solde négatif aux comptes courants lorsque les fonds restés en caisse excèdent ceux nécessaires au règlement des proches échéances de paiement » (article 33 du règlement précité).
En vertu de l’article L1124-40 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, le receveur est « chargé, seul et sous sa responsabilité, d’effectuer les recettes communales, d’acquitter sur mandats réguliers les dépenses ordonnancées jusqu’à concurrence soit du montant spécial de chaque article du budget ». C’est donc le receveur qui manipule l’argent, tant à l’entrée qu’à la sortie, tout en vérifiant la légalité des opérations. Il doit renvoyer au collège tout mandat non régulier (article 64 du règlement général de la comptabilité communale).
Dans le cas évoqué par l’honorable membre, lorsqu’une commune présente un déficit important et que ce déficit n’est pas lié au non-respect des obligations légales du receveur, la responsabilité de ce dernier ne pourra pas être engagée.
b) La responsabilité des mandataires communaux
L’honorable membre s’interroge sur l’existence d’un mécanisme qui responsabiliserait individuellement les mandataires communaux par rapport à la problématique des déficits communaux.
Un tel mécanisme n’existe pas, la responsabilité individuelle des mandataires communaux ne pouvant être engagée que dans des cas déterminés.
En tant que pouvoir délibérant, le collège communal ne peut exercer ses compétences que collectivement, ce qui signifie qu’aucun membre du collège, dans cette fonction, ne dispose d’une compétence personnelle. Dans certains cas, la jurisprudence a cependant considéré qu’un échevin des travaux pouvait engager sa responsabilité individuelle.
Les bourgmestres et les échevins ont qualité d’organe de la commune dont ils peuvent engager la responsabilité civile sur base de l’article 1382 du Code civil pour des fautes commises dans l’exercice de leur fonction. A cette même occasion, ils peuvent également engager leur responsabilité civile personnelle.
Les juridictions de l’ordre judiciaire admettent de plus en plus le principe de coexistence de la responsabilité civile de la commune et de l’organe ayant agi dans l’exercice de ses fonctions. La mise en cause de la commune n’exclurait donc pas systématiquement la mise en cause de l’organe. Inversement, l’absence de mise en cause de la responsabilité de l’organe n’implique pas obligatoirement exonération de responsabilité dans le chef de la commune.
L’article L1241-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation crée, dans le chef des communes, une obligation de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile, en ce compris l’assistance en justice qui incombe personnellement au bourgmestre et à l’échevin ou aux échevins dans l’exercice normal de leurs fonctions.
La réforme du RGCC en date du 05 juillet 2007 a introduit au niveau de l’article 60 une précision quant à la prise de décision du paiement d’un mandat irrégulier et donc de la responsabilité d’une dépense. En effet le collège peut décider qu’une dépense doit être imputée et exécutée sous sa responsabilité.
Précisons encore que l’article 53 du RGCC prévoit que le collège communal est seul habilité à procéder à des engagements sauf les exceptions visées à l’article 56 qui concerne les dépenses justifiées par simple facture acceptée. Le receveur est donc amené à une situation de fait accompli au moment où sa responsabilité est visée dans le cadre des articles 1124-40 et des articles 59 et 60 du RGCC.