L’agence de notation publique
- Session : 2010-2011
- Année : 2011
- N° : 144 (2010-2011) 1
Question écrite du 03/01/2011
- de BOLLAND Marc
- à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l’Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles
On connait l’importance des agences de notation: leurs avis influencent considérablement l’économie par les notes qu’elles attribuent aux sociétés et aussi aux pouvoirs publics d’ailleurs.
La Commission européenne s’en est émue, en considérant que le nombre d’agences est insuffisant et qu’elles exercent ainsi un rôle incorrect, eu égard à une certaine situation monopolistique.
On a vu apparaitre dans le secteur privé des agences de notation atypiques, comme Ethibel, Vigeo, etc … qui tendent à intégrer dans leur notation des facteurs différents de ceux véhiculés par ce qu’on peut appeler la pensée unique (coût environnemental et social, … )
La présidence européenne se termine et Monsieur le Ministre y a été actif.
Le projet d’une agence de notation publique indépendante a-t-il été avancé? Ne serait-ce pas une idée à exploiter?
Réponse du 28/01/2011
- de MARCOURT Jean-Claude
Les agences de notation ont pour objectif de protéger le créancier et donc l’épargnant en l’informant sur la capacité d’emprunt des entités faisant appel au crédit. Elles devraient dès lors jouer un rôle visant à rassurer le créancier quant à son placement permettant ainsi un accès plus facile au crédit pour les emprunteurs.
Toutefois, différents problèmes existent actuellement dans le secteur de la notation de crédit. En effet, les modèles mathématiques utilisés par les agences pour élaborer leurs notations sont opaques et ne permettent pas de se rendre compte des facteurs qu’ils prennent en compte. Une plus grande transparence du système de notation des agences permettrait au monde économique de juger de la qualité des notations sur la base desquelles les investisseurs prennent d’importantes décisions. Cette transparence devrait être accompagnée d’une plus grande compétitivité sur le marché des agences car cela permettrait d’offrir au public davantage de modèles de détermination de notations dont certains pourraient prendre en comptes des critères ignorés par d’autres. Une plus grande nuance dans le jugement des investisseurs deviendrait dès lors possible.
Notons pour finir qu’il y a également un problème de conflit d’intérêt qui s’est notamment manifesté avec les titres « subprime ». En effet, actuellement, l’agence est rémunérée par les débiteurs qui font l’objet de sa notation.
Ainsi, malgré avoir été dans l’incapacité de renseigner préalablement à la crise les investisseurs sur les risques qu’ils étaient en train de prendre, les principales agences influencent toujours la conduite de créanciers à travers le monde à l’aide de notation déterminée par des modèles de calcul dont personne ne connaît avec précision la pertinence des paramètres ni leur exhaustivité.
Ainsi, les agences de notations devraient impérativement faire l’objet d’une régulation visant à accroître la transparence, la concurrence et l’impartialité du secteur. La création d’une agence de notation publique devrait également être une option à prendre en compte. En effet, si sa structure et son organisation lui permet d’être à la fois efficace et indépendante des débiteurs et notamment des Etats, une agence publique permettrait, d’un côté, d’augmenter l’offre du secteur afin de le rendre plus concurrentiel et, d’un autre côté, de proposer des notations basées sur des modèles prenant en compte une liste de critères déterminés objectivement dans le cadre de sa mission de protection de l’épargne.
Il faut toutefois émettre des réserves et considérer avec prudence des agences qui incluraient dans leurs critères les coûts environnementaux ou sociaux. En effet, n’étant pas internalisés, ces coûts n’ont pas d’influence sur la capacité d’emprunt des acteurs économiques et sont donc malheureusement non pertinents pour les investisseurs.
Tant la régulation que la mise sur pied d’une agence publique requièrent le concours de nos partenaires européens et internationaux.
Cependant, que ce soit au niveau de l’Union Européenne ou au niveau mondial, aucun consensus n’existe actuellement sur ce sujet. La région plaide pour que ces partenaires s’accordent à prendre une position similaire à la sienne.