Les investissements socialement responsables
- Session : 2010-2011
- Année : 2011
- N° : 512 (2010-2011) 1
Question écrite du 23/06/2011
- de BOLLAND Marc
- à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville
Dans son édition du 15 juin, le journal Le Soir (page 21), évoque en colonne que la Région wallonne a décidé de s’imposer ainsi qu’aux communes, l’obligation d’investir respectivement 20 % et 10 % des avoirs dans des véhicules financiers qui répondent à des critères de durabilité environnementale, éthique et sociale.
Par ailleurs, Monsieur le Ministre n’ignore pas qu’une proposition de décret sur le sujet a été cosignée par ma collègue Joëlle Kapompolé.
Qu’inspire à Monsieur le Ministre ce mécanisme ? Peut-il confirmer et commenter cette information ?
Réponse du 03/08/2011
- de FURLAN Paul
L’ISR est fondé sur la conviction que la prise en compte de facteurs sociaux et environnementaux, d’éthique et de gouvernance assure la performance financière des sommes investies à moyen et long terme compte tenu d’une meilleure appréhension des risques et d’un meilleur management.
L’article de presse évoqué par l’honorable Membre précise que « les Régions wallonne et bruxelloise ont décidé de s’imposer (ainsi qu’à leurs communes) l’obligation d’investir, respectivement 20 % et 10 % de leurs avoirs dans des véhicules financiers qui répondent à des critères de durabilité environnementale, éthique et sociale ».
L’ordonnance bruxelloise en faveur de l’ISR a été votée au Parlement bruxellois en date du 1er juin 2006. Cette ordonnance vise à imposer des critères d’investissements socialement responsables (au moins 10 % des sommes investies) aux marchés publics financiers de la Région et de ses communes.
Toutefois, cette ordonnance n’a jusqu’à présent toujours pas été appliquée en Région de Bruxelles-Capitale. Le rapport 2011 du Réseau financement alternatif consacré à l’investissement socialement responsable (I5R) a identifié deux freins à la mise en ?uvre de l’ordonnance. Un frein majeur à l’application de cette ordonnance est la position débitrice de la Région Bruxelles-Capitale et de ses communes (conséquence notamment de la perte de ventes immobilières à la suite de la crise de 2008, conjuguée à l’indexation annuelle du personnel administratif et aux dotations aux communes). Un autre frein réside dans le fait qu’aucun instrument légal n’a été mis en place pour que la Région puisse contrôler le respect des articles de cette ordonnance, dans le cadre de la tutelle administrative des communes (l’ordonnance du 14 mai 1998 organisant la tutelle administrative sur les communes de la Région de Bruxelles-Capitale ne prévoyant pas de contrôle des décisions de gestion courante).
En ce qui concerne la Région wallonne, la Déclaration de politique régionale wallonne pour la législature 2009-2014 prévoit notamment (dans son volet lié à l’objectif de faire de l’économie sociale un secteur économique à part) que « le Gouvernement, en concertation avec les acteurs du secteur :
– prévoira, dans les marchés financiers que la Région organise, le renforcement de l’investissement selon des critères sociaux, éthiques et environnementaux et dans l’économie sociale;
– assurera la concrétisation et la promotion active d’une politique d’investissement respectueuse de la bonne gouvernance, éthiquement, socialement et environnementalement responsable auprès des communes, provinces et autres pouvoirs adjudicateurs, notamment pour ce qui est des dispositifs de placement et de pension, en utilisant les moyens à sa disposition pour que les pouvoirs publics investissent progressivement une part croissante de leurs fonds dans des véhicules financiers qui répondent à des critères de durabilité environnementale, éthique et sociale (20 % en 2012, 30 % en 2014, etc.) ».
Une proposition de décret wallon visant à imposer des critères d’investissements socialement responsables aux marchés financiers de pouvoirs publics régionaux a été déposée au Parlement wallon en date du 6 mai 2010. Elle a été envoyée en Commission du budget, des finances, de l’emploi, de la formation et des sports en date du 19 mai 2010. Cette proposition de décret exige une politique financière socialement responsable des pouvoirs publics régionaux, provinciaux et communaux, à hauteur de 10 % des sommes investies dans les marchés financiers qu’ils lancent. Elle instaure également une transparence sur la politique financière régionale, provinciale et communale et requiert des pouvoirs publics qu’ils exposent la manière dont ils appréhendent ou non l’investissement socialement responsable dans leur politique financière.
La même proposition avait été déposée (sous forme de projet de résolution) une première fois en janvier 2006 ; elle a été redéposée en juin 2006, mais n’avait pas été soumise au vote. Au vu des implications juridiques, notamment en matière de marchés publics, le Ministre du Budget de l’époque avait invité le Parlement à requérir l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat. Dans son avis, le Conseil d’Etat conclut que « la proposition de résolution implique des modifications à apporter aux lois sur les marchés publics qui excèdent la compétence de la Région wallonne et qui empiètent sur celles de l’Etat fédéral ». Il y a donc un certain nombre de problèmes et de n?uds techniques à résoudre au préalable. Le Comité de concertation devrait sans doute être saisi de la question.
Un groupe de travail doit également être constitué, avec mon honorable confrère du budget, pour examiner la question de la possibilité d’imposer l’objectif des 20 % prévus par la Déclaration de Politique régionale wallonne sans qu’il y ait une législation totalement appropriée au niveau fédéral.
Pour être complet, je signale qu’au niveau fédéral, une proposition de loi visant à la promotion des investissements socialement responsables a été déposée devant le Sénat en date du 25 février 2011. Cette proposition de loi vise à définir de manière objective les critères minimums qu’un produit financier devrait respecter pour pouvoir être qualifié de « socialement responsable », « éthique» ou « durable», ainsi qu’une procédure permettant le contrôle de ces critères. Un label ISR serait créé et octroyé par la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA) aux produits d’investissement offerts sur le territoire belge qui répondent aux critères d’ISR énumérés dans la proposition de loi. Une telle norme minimale est souhaitable et assurera la protection du consommateur en garantissant une plus grande clarté et une qualité minimale obligatoire des produits ISR.
Selon moi, la création d’une norme légale d’ISR et de produits ISR simples et adaptés aux communes et à leurs besoins permettraient aux communes de placer leurs avoirs dans des produits éthiques. Toutefois, l’on ne peut perdre de vue un élément essentiel: la dimension budgétaire. Il faut en effet s’assurer que les ISR soient suffisamment rentables pour garantir la neutralité d’une éventuelle adaptation, par les communes, de leurs portefeuilles d’investissements.