Les droits de donation réduits
- Session : 2010-2011
- Année : 2011
- N° : 730 (2010-2011) 1
Question écrite du 14/06/2011
- de BOLLAND Marc
- à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation et des Sports
Ce décret prévoit plus spécialement la possibilité de faire enregistrer, moyennant paiement de droits de donation réduits, la donation du bénéfice à la prestation décès d’un contrat d’assurance-vie.
Le donataire est alors désigné en tant que bénéficiaire de la prestation d’assurance-vie en cas de pré-décès de l’assuré, (nouvel article 131 bis, § 3, 2°, C. enreg. Rég. wal.). Pour que la donation puisse être effectuée, il est évidemment indispensable que l’assuré soit toujours en vie.
La nouvelle disposition prévoit que les droits de donation sont dus sur le capital stipulé dans le contrat comme étant à verser au bénéficiaire en cas de pré-décès de l’assuré, tel qu’il existe au jour de la donation. Les droits sont dus dès l’acte notarié contenant la donation ou dès la présentation à l’enregistrement de la donation.
Le Décret ne précise pas si les engagements de pension du deuxième pilier sont également visés par cette disposition. Un engagement de pension du deuxième pilier vise en premier lieu la constitution d’un capital de pension complémentaire pour l’affilié-assuré. Dans un tel engagement de pension, le preneur d’assurance est l’employeur.
Toutefois, un capital-décès est souvent également prévu pour le cas où l’affilié décéderait avant que son capital de pension ne devienne exigible. Les bénéficiaires du capital-décès sont déterminés dans le règlement de pension, mais l’affilié a souvent la possibilité de désigner lui-même les bénéficiaires du capital-décès. A la lumière de ce qui précède, est-il possible de faire enregistrer la donation du capital-décès d’un engagement de pension du deuxième pilier, par la désignation du donataire en tant que bénéficiaire en cas de décès ?
Réponse du 15/07/2011
- de ANTOINE André
L’article 131bis du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe prévoit effectivement un taux spécifique pour les donations de biens meubles. Ainsi, il est possible, depuis le 23 décembre 2005, d’enregistrer en Région wallonne des donations de biens meubles à des taux réduits de 3 %, 5 % ou 7 %. Or, ce droit de donation vise la donation de toutes valeurs patrimoniales existantes au jour de la donation (Manuel des droits d’enregistrement, éd. 2005, n°456, A., et n°457).
A ce titre, un contrat d’assurance vie est un contrat en vertu duquel, moyennant paiement d’une prime fixe ou variable, une partie, l’assureur, s’engage envers une autre partie, le preneur d’assurance, à fournir à ce preneur ou à un tiers bénéficiaire désigné par le preneur d’assurance, une prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain ne dépendant que de la durée de la vie d’une personne (« l’assuré», à savoir le preneur lui-même ou un tiers), à savoir soit lorsque l’assuré décède avant l’échéance du contrat, soit à la condition soit encore en vie à l’échéance du contrat (loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, art. 1er, A., B., C. et H., et art. 97).
La créance résultant d’un tel contrat est de ce fait bel et bien une valeur patrimoniale visée par le droit de donation précité, dès l’acceptation d’une telle donation par le donataire (la donation étant en effet un contrat, elle ne se forme juridiquement que par l’acceptation de cette donation par le donataire, indispensable pour conclure le contrat; avant cette acceptation, il n’existe tout simplement aucune donation qui puisse être enregistrée avec application du droit d’enregistrement sur les donations).
Outre la cession du contrat d’assurance vie par le preneur lui-même à un nouveau preneur, prévue aux articles 119 et 120 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, un tel contrat peut donc jouer en faveur d’un tiers autre que le preneur originaire, en cas d’attribution à un tiers du bénéfice à la prestation du contrat d’assurance vie, en tant que bénéficiaire (art. 106 de la loi précitée du 25 juin 1992).
Or, dans un contrat d’assurance-groupe qui prévoit le versement d’un capital en cas de décès de l’affilié-assuré avant que son capital-pension ne devienne exigible, il est exact, comme l’honorable membre le relate lui-même dans sa question, que les affiliés-assurés ont souvent la faculté de désigner eux-mêmes les bénéficiaires du capital-décès, sachant que, dans ces contrats, le preneur du contrat d’assurances est et reste l’entreprise qui emploie l’affilié-assuré.
Cependant, la désignation en tant que bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie obéit aux règles suivantes:
* d’une part, selon les articles 122 et 123 de la loi précitée du 25 juin 1992, le bénéficiaire peut accepter le bénéfice à tout moment, même après que les prestations d’assurance soient devenues exigibles, mais, tant que le preneur d’assurance est en vie, l’acceptation ne peut se faire que par un avenant à la police, portant les signatures du bénéficiaire, du preneur d’assurance et de l’assureur;
j’ose croire que c’est au sujet d’une telle désignation en tant que bénéficiaire, subsidiaire au premier bénéficiaire assuré, par un avenant au contrat d’assurance signé du vivant de l’employé assuré et premier bénéficiaire, que l’honorable membre entend m’interroger;
* d’autre part, selon l’article 111 de la loi précitée du 25 juin 1992, en cas de décès du bénéficiaire avant l’exigibilité des prestations d’assurance et même si le bénéficiaire en avait accepté le bénéfice, ces prestations sont dues au preneur d’assurance ou à la succession de celui-ci, à moins qu’il ait désigné un autre bénéficiaire à titre subsidiaire; l’octroi du bénéfice au capital-décès d’une assurance vie, ne peut donc être versé qu’à un bénéficiaire qui est encore en vie au moment du décès de l’assuré.
Comme souligné dans les travaux préparatoires de l’article 117 du décret-programme du 22 juillet 2010, cette désignation d’un tiers en tant que bénéficiaire d’un tel contrat d’assurance vie, constitue, dans les principes généraux des assurances-vie, un contrat à titre gratuit dans lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit, sans contrepartie (L. ROUSSEAU, « Assurance vie et dévolution successorale», in Actualités civiles et fiscales en droit successoral, Ed. Anthemis, 2006, p. 123 à 126; C. Devoet, Les assurances de personnes, Ed. Anthemis, 2006, n° 994), mais avec une modalité affectant l’exigibilité de l’avantage (la survie du bénéficiaire jusqu’au moment de l’exigibilité des prestations d’assurance, cette dernière condition suspensive résultant de l’article 111 de la loi précitée du 25 juin 1992). De ce fait, en ce qui concerne la désignation du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie, de laquelle apparaît l’animus donandi du donateur, la volonté de gratifier une personne par sa désignation en tant que bénéficiaire (désignation que ce bénéficiaire accepte formellement pour conclure juridiquement cette donation), il s’agit d’une donation soumise à une condition suspensive de survie du bénéficiaire par rapport au donateur, ou du moins de survie du bénéficiaire jusqu’au moment de l’exigibilité des prestations d’assurance (art. 111 de la loi précitée du 25 juin 1992).
Jusqu’au 29 août 2010, une telle donation affectée d’une condition suspensive était inconditionnellement exclue du taux réduit des droits de donation prévu par l’article 131bis C. enr., par son § 3,2°.
Toutefois, depuis l’article 117 du décret-programme du 22 juillet 2010, les conditions suspensives ne sont plus exclues de ce taux réduit de l’article 131bis C. enr, à la seule exception des conditions suspensives qui se réalisent par suite du décès du donateur (art. 131bis, § 3,2°, nouveau, C. enr.). De plus, ce même décret-programme a également admis au taux réduit précité les attributions bénéficiaires d’assurances vie (tout en évitant les spéculations sur le pré-décès du donateur en imposant la perception des droits de donation dès la naissance du fait générateur des droits de donation sur le capital assuré, par dérogation à l’article 16 C. enr., sans attendre la réalisation de la condition).
La particularité des contrats d’assurances vie décrits par l’honorable membre dans sa question, est que le preneur du contrat est l’employeur d’une personne employée, sur la tête de laquelle le risque du contrat est situé (cette personne employée est donc l’assuré du contrat, au sens précité) ; de plus, le bénéficiaire est en principe cette même personne employée, qui est en même temps l’assuré. Ainsi, en cas de vie de cet assuré, ce dernier percevra le capital-pension prévu; par contre, en cas de pré-décès de cet assuré, le capital-décès pourra être versé à un sous-bénéficiaire subsidiaire, pour autant qu’il soit désigné dans le contrat, le cas échéant avec acceptation du bénéficiaire en cause et signature de l’avenant prévu à l’article 123, précité, de la loi du 25 juin 1992 susmentionnée, du vivant de l’employé-assuré.
Ainsi, dès lors que cette désignation en tant que bénéficiaire, même subsidiaire, a été faite conformément à cette disposition de la loi précitée du 25 juin 1992, et que le donataire a formellement accepté cette donation de la qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance vie en cause, je vous confirme que cet avenant de désignation en tant que bénéficiaire subsidiaire peut être soumis au droit de donation de 3 %, 5 % ou de 7 %, à l’initiative du donataire.
Il est d’ailleurs à remarquer que le point 3.2.2.2., H., de la circulaire n° 16/2010 (AAF N°14/2010) du 08 décembre 2010 du SPF Finances, relative à ce décret-programme du 22 juillet 2010 et concertée avec la Région wallonne, est justement relatif au cas de la désignation de bénéficiaires successifs dans un contrat d’assurance-vie. Dans ce cas, cette circulaire prévoit en effet que la donation que constitue la désignation d’un bénéficiaire subsidiaire, est affectée d’une condition suspensive supplémentaire, à savoir le fait de venir en ordre utile (c.-à-d. d’être devenu bénéficiaire en premier rang) (suite, notamment, au prédécès du bénéficiaire en premier rang). En pareil cas, s’il ressort d’un acte soumis à l’enregistrement que le bénéficiaire subsidiaire accepte sa désignation, l’acte est donc enregistré au droit fixe général, conformément à l’article 16 C. enr. et sans préjudice de l’article 15, al. 2, C. enr. En cas de réalisation de la condition suspensive de venir en ordre utile (c.-à-d. d’être devenu bénéficiaire en premier rang, à savoir, dans le cas présent, en cas du pré-décès de l’employé assuré dans l’assurance-groupe), le droit proportionnel est dû, sur une déclaration à présenter conformément à l’article 31, al. 1er, 2°, C. enr., sachant que ce bénéficiaire subsidiaire est alors le vrai bénéficiaire du capital-décès à ce moment.
Cependant, pour être complet, l’honorable membre notera que, de toute façon, l’article 8 du Code des droits de succession, sur lequel l’honorable membre ne fait pas porter sa question, ne soumet une stipulation pour autrui, sur laquelle repose l’attribution du bénéfice d’un contrat d’assurance-vie, qu’à certaines conditions particulières. A cet égard, l’alinéa 6, 3°, de cette dernière disposition, énonce que ne sont pas considérés comme recueillis à titre de legs, les capitaux et rentes constitués à l’intervention de l’employeur du défunt au profit du conjoint survivant du défunt ou, à défaut, au profit de ses enfants n’ayant pas atteint l’âge de vingt et un ans, en exécution soit d’un contrat d’assurance de groupe souscrit en vertu d’un règlement obligatoire de l’entreprise et répondant aux conditions déterminées par la réglementation relative au contrôle de ces contrats, soit du règlement obligatoire d’un fonds de prévoyance institué au profit du personnel de l’entreprise. Et ce, indépendamment de l’enregistrement ou non de toute désignation de bénéficiaire dans ce contrat.