Parlement wallon – séance plénière – intervention de Marc BOLLAND, député (PS) – ENDETTEMENT DES COMMUNES
21 avril 2010 – parlement wallon – séance plénière – intervention de Marc BOLLAND, député (PS) – ENDETTEMENT DES COMMUNES
Madame la présidente, Monsieur le Ministre, Chers collègues,
Le sujet qui fait débat cet après midi dans notre parlement est un sujet crucial : nos collectivités locales, la base de notre fonctionnement démocratique, sont elles exsangues financièrement ? Plus particulièrement, le niveau d’endettement de nos communes doit il faire craindre à un moment ou à un autre, un blocage complet de ce niveau de pouvoir essentiel ?
Si le problème global est important, voire fondamental, encore convient il de bien préciser de quoi nous parlons.
a) précisions
Il faut d’abord bien distinguer « endettement » et « déficit du budget ordinaire ».
Le déficit du budget ordinaire vient en général de l’effet cumulé de différents éléments : dépenses de fonctionnement, dépenses de transfert, dépenses de personnel, et dépenses liées au remboursement des emprunts, sans parler des insuffisances de recettes.
Au sens strict, l’endettement, ce n’est que ces dépenses liées au remboursement des emprunts, à savoir une des sources de financement du budget extraordinaire.
La gestion de la dette, ce n’est pas la gestion du déficit et les méthodes pour s’attaquer à l’un ou l’autre point peuvent être similaires mais aussi fort différentes.
Ensuite, il faut distinguer « court terme » et « long terme » : un endettement à court terme se traite a priori par des mesures conjoncturelles ; un endettement à long terme se soigne par des mesures structurelles.
Il faut encore distinguer que l’endettement peut être source d’appauvrissement mais aussi il peut générer un enrichissement. Par essence, l’emprunt qui permet de financer des investissements à l’extraordinaire, permet d’augmenter la valeur bilantaire des actifs de la commune et donc contribue non pas à l’appauvrir mais à l’enrichir. Un endettement peut donc être un élément positif.
Enfin, dernière précision qui me semble utile pour le raisonnement, faut il distinguer autonomie communale et responsabilisation ? Les mandataires communaux sont autonomes, dans le respect des règles de tutelle. Mais si ils veulent rester aussi autonomes que possible, ils ne peuvent pas en même temps se plaindre de leur éventuel aveuglement : être autonome, c’est aussi être responsable de ses choix et de ses décisions.
b) que faire ?
Ces précisions étant effectuées, que faire ?
D’abord, Monsieur le Ministre, je ne peux que vous encourager dans la méthode que vous avez manifestement décidé d’appliquer depuis vos prises de fonctions : rigueur, honnêteté intellectuelle, concertation, respect de l’autonomie communale.
Sur la problématique de l’endettement, vous n’êtes pas resté les bras croisés et vous avez déjà pu, en quelques mois, aborder le problème non seulement de façon constructive mais aussi efficace.
Par rapport à la situation générale des communes, au-delà de la problématique de l’endettement, et sans me substituer aux avis des professionnels qui vous conseillent, notamment via le CRAC, puis je me permettre un certain nombre de pistes, qui devraient permettre me semble t il, de contribuer à restaurer la marge de manœuvre financière des communes.
Certaines sont presque des rappels et je les mentionne pour mémoire :
- maîtrise des dépenses de transfert : l’engagement que vous avez pris notamment de revoir la loi sur le financement des cultes va dans ce sens, même si il n’en est pas le seul objectif ;
- transfert des dépenses du fédéral vers les communes : le fédéral est loin d’appliquer le principe de la déclaration de politique du gouvernement dont vous faites partie et qui précise que les décisions prises par la région doivent être neutres pour les communes ; à titre personnel vous appliquez ce principe avec rigueur et constance ; les membres de ce parlement attirent régulièrement votre attention sur ce problème ; je vous invite à continuer à y être attentif évidemment ;
- maîtrise de la bombe à retardement des pensions des mandataires : compte tenu de l’augmentation des barèmes des mandataires en 2000, les nouveaux pensionnés commencent à grever lourdement les budgets communaux. Et cela ne fera que s’amplifier. Il importe de s’attaquer rapidement à ce problème et de trouver des solutions à long terme viables.
Mais d’autres pistes sont peut être plus novatrices et je vous invite à y réfléchir :
- mise en place d’un benchmark : l’autonomie communale ne doit pas permettre de faire n’importe quoi ; si on compare les situations dans différentes communes, on est surpris, sans faire de leçon à qui que ce soit, sur les différences existant dans les structures de dépenses : ces différences de train de vie sont elles toutes justifiées ? Un benchmark transparent, même simplement indicatif, permettrait à chacun d’ajuster ses choix en parfaite connaissance de cause ;
- action pro active sur le coût des marchés publics : la mise en place des marchés publics a une conséquence paradoxale : les coûts semblent avoir augmenté par la simple mise en place des marchés publics, notamment pour les communes, alors que la concurrence créée aurait dû contribuer à leur baisse. En région wallonne, nous ne disposons d’aucun mécanisme de contrôle du niveau des prix des marchés. La promotion de marchés publics collectifs (à l’image de ceux ouverts aux communes par le MET) ou la création de banques de données de référence sur les prix, tant en fournitures qu’en main d’œuvre, seraient des outils fort utiles pour les communes pour exercer efficacement et concrètement une pression sur la baisse des prix.
- améliorer la gestion des créances : les communes ont trop de difficultés pour récupérer certaines créances, dont certaines finissent irrécouvrables. La mise en place d’un outil professionnel de gestion des créances au niveau de la région wallonne pourrait aussi aider nos communes à une meilleure efficacité. Je l’ai proposé à votre collègue Mr Antoine, ministre du budget, et je vous invite à vous concerter avec lui.
- augmenter le professionnalisme des communes dans l’analyse des produits financiers mis à leur disposition : dans les critiques que j’ai entendues au sujet de l’attitude de DEXIA à propos des produits structurés, je perçois pas mal d’exagération. DEXIA a répondu à l’émission de la RTBF par un communiqué qui me semble clair et convaincant. Néanmoins, certains produits financiers sont complexes, même si ils ne sont pas toxiques, même si ils sont bénéfiques à la commune. Cette complexité peut créer des malentendus, des frustrations voire des hésitations qui font que les communes passent à côté de certaines opportunités par prudence, prudence légitime au demeurant s’agissant toujours d’argent public.
Dans ce contexte, il serait sans doute utile de mettre à disposition des communes des conseillers indépendants, accessibles facilement et sans coût. Leur rôle serait de conseiller et d’éclairer les décideurs communaux, qui pourraient ainsi agir en toute autonomie sans renoncer à leur entière responsabilité par la suite.
- mettre en place une certaine mutualisation des résultats du budget ordinaire : dans les entreprises privées, il existe des produits d’assurance permettant de couvrir le résultat annuel du compte de résultat. Cela permet de faire face à des difficultés temporaires de déficit. Je n’ai jamais très bien compris pourquoi ce produit d’assurance n’existait pas pour les collectivités publiques. C’est une piste qu’il serait aussi utile de creuser quelque peu, me semble-t-il.
Je le répète et nous le savons tous : la situation financière des communes requière toute notre attention.
Je ne doute pas une seconde Monsieur le ministre, que vous continuerez à agir avec professionnalisme et sérieux, en témoignant de l’excellente connaissance que vous avez du monde des collectivités locales et en n’hésitant jamais à creuser de nouvelles pistes.
Je me suis permis modestement aujourd’hui de vous en proposer quelques unes.
Monsieur le Ministre, j’aimerais connaître votre sentiment par rapport à la situation financière des communes ? Vous avez déjà pris certaines mesures afin d’accompagner les communes dans une gestion active de leur dette, d’autres mesures sont-elles envisagées? En outre, j’aimerais connaître votre position concernant les crédits structurés, crédits auxquels ont souscrit de nombreuses communes? N’y aurait-il pas lieu de mieux conseiller les communes confrontées à des produits financiers de plus en plus complexes, par exemple via le CRAC ou l’UVCW ? Enfin, Monsieur le Ministre, ne serait-il pas opportun de maintenir certains incitants en faveur des communes remboursant tout ou partie de leur dette au CRAC ?
Je vous remercie pour votre attention et vos réponses.
Marc BOLLAND
Député wallon